Comment développer les filières énergétiques ?
Dans la présentation des différentes filières, j’ai expliqué par quels moyens l’ATP était renouvelée au fur et à mesure de sa dégradation. Dans le cadre de l’entraînement, la première question qui se pose est simple : comment développer le potentiel des différents processus énergétiques chez un individu ?
1- LE PROCESSUS ANAÉROBIE ALACTIQUE
Ce processus est lié aux efforts d’intensité élevée et de courte durée. Son potentiel sera donc amélioré par ce type d’effort.
A- Le développement de la puissance anaérobie alactique
Intensité de l’action : maximale et devra même permettre l’expression d’efforts supra-maximaux.
Durée de l’action : comprise entre 3 et 7″.
Durée de la récupération : comprise entre 1’30 et 3′
Nature de la récupération : complète pour permettre la restauration de toutes les ressources énergétiques, et semi-active, c’est-à-dire proposer entre chaque répétition des activités de vigilance (vitesse de réaction à des signaux).
Quantité totale de travail : dépend du niveau d’entraînement. Une dizaine de répétitions maximum.
Exemples :
*multi-bonds sur 30m ;
*exercices de survitesse (course tractée, course en descente …) ;
*courses : 1x20m, 1x30m, 2x40m, 1x30m, 1x20m..
B- Le développement de la capacité anaérobie alactique
Intensité de l’action : 90% de l’intensité maximale constitue la limite inférieure en dessous de laquelle les exercices perdraient de leur efficacité. Cela se traduit par des activités que l’athlète effectue à l’intensité la plus élevée possible tout en conservant une grande aisance d’exécution.
Durée de l’action : comprise entre 7 et 15″.
Durée de la récupération : comprise entre 3 et 8′, suffisante pour permettre à l’athlète d’effectuer les exercices suivant après une restauration quasi complète de ses ressources.
Nature de la récupération : active (marche). Pour favoriser l’élimination complète des déchets de la contraction musculaire. L’athlète doit s’efforcer de maintenir entre 2 efforts une activité suffisante pour stimuler l’apport d’oxygène au niveau de ses cellules musculaires. Et pour permettre le maintien d’une bonne vigilance et de l’excitabilité du système nerveux.
Quantité totale de travail : un maximum de 8 répétitions, puis passer au travail d’un autre aspect complémentaire (autre processus énergétique ou travail technique par exemple).
Exemples :
*course de vitesse effectuée avec le plus grand relâchement et la meilleure maîtrise technique possible (6 à 8x150m) ;
*travail pyramidal (2x50m, 2x80m, 1x120m, 2x80m, 2x50m) ;
*travail en dégressivité (2x150m, 2x120m, 2x80m).
2- LE PROCESSUS ANAEROBIE LACTIQUE
Il vise à développer la résistance (faculté de réaliser des efforts intenses d’une durée importante malgré un empoisonnement lactique).
A- Le développement de la puissance anaérobie lactique
Intensité de l’action : maximale, voire supra-maximale par des efforts fractionnés dans lesquels on inclura de courtes récupérations (allant de 30 à 2′). Ainsi le potentiel de l’athlète ne sera pas restauré totalement. La récupération incomplète installera une fatigue suffisante pour que l’organisme s’habitue à travailler en état d’acidose musculaire réelle. Il faut savoir que la production d’énergie sollicite l’intervention de substance que l’on nomme les enzymes. Chaque processus fait appel à ces substances. Or, chez l’enfant « l’équipement enzymatique » lié à la croissance, au développement hormonal, n’est pas complet avant la puberté. Il est donc inutile voire nuisible de demander à des enfants des efforts de type résistance puisque leur organisme n’est pas encore équipé pour fournir l’énergie correspondant.
Durée de l’action : comprise entre 15 et 45″. Remarque : la durée minimale correspond au maximum de durée du processus énergétique qui a précédé (alactique).
Durée de la récupération : entre 5 et 10′ suivant la durée du travail effectué. Pour une intensité supra-maximale, on inclura entre chaque effort fractionné de courtes récupérations allant de 30″ à 2′.
Nature de la récupération : pour des sujets entraînés, elle sera peu active, ne favorisant pas à l’excès les apports d’oxygène au niveau musculaire. Ainsi la dette d’oxygène accumulée n’est pas remboursée trop rapidement et l’athlète finit par habituer son système musculaire à travailler en état d’acidose élevée. Pour un public moins spécialiste, il est préférable d’insister sur la qualité du travail, quitte à privilégier une récupération dont la durée sera augmentée et la nature plus active (et donc plus aérobie).
Quantité totale de travail : entre 3 et 6 répétitions. La pratique de 2 séances par semaine sur ce thème est un maximum.
Exemples :
*il peut être intéressant de jouer sur toute la palette des durées d’effort possible (15, 20, 25 … 45″) ;
*course de vitesse prolongée, type 3 séries de 120m + 60m (récupération d’1′ entre les courses et 5′ entre les séries) ;
*course navette, entre 5 plots espacés de 5m, effectuer des allers-retours en revenant à chaque fois au plot 1.
B- Le développement de la capacité anaérobie lactique
Intensité de l’action : l’efficacité maximale est obtenue pour des efforts se situant entre 85 et 95% de l’intensité maximale.
Durée de l’action : comprise entre 45″ et 3 voire 4′. On la limitera le plus souvent à 2′.
Durée de la récupération : le pourcentage de l’intensité de l’effort adopté (entre 85 et 95%) permet d’effectuer une action plus longue. La lactatémie intramusculaire induite par les exercices de capacité lactique est moins importante que celle provoquée par les exercices de puissance lactique. La durée des périodes de récupération sera donc réduite (2 à 8′).
Nature de la récupération : il faut accélérer les procédures qui favorisent le paiement de la dette d’oxygène sans toutefois permettre une restauration totale de celle-ci. La récupération sera assez active.
Quantité totale de travail : elle dépend du niveau de l’individu. Une dizaine de répétitions maximum. L’intégralité de chaque séance consacrée à ce thème sera centré sur cet objectif. Il faut rappeler que le développement des processus lactiques se prête mal aux caractéristiques des enfants ou des adolescents avant la fin de la puberté, et également des adultes proches de la quarantaine.
Exemples :
*à vitesse maximale, 2 séries de (30, 40, 50, 60, 50, 40 et 30m) – récupération 20″ entre répétitions, récupération longue de 10′ entre les 2 séries ;
*3 séries de (500m + 200m) – récupération 1’30 entre les courses et 8′ entre les séries.
3- LE PROCESSUS AEROBIE
Lié aux efforts de longue durée mais à une intensité très inférieure à celles des filières anaérobies, il est amélioré par des efforts intermittents de longue et courte durée. Aucune amélioration durable du potentiel physique d’un athlète ne peut être envisagée sans le développement complet du processus aérobie.
A- Le développement de la puissance aérobie : 2 solutions :
1/soit recourir à la méthode des efforts continus d’une durée comprise entre 12 et 20′ (travail de 75 à 95%VMA),
2/soit recourir aux méthodes des efforts intermittents (plus efficaces) :
*méthode des efforts intermittents de longue durée : elle consiste à effectuer une succession d’efforts (6 répétitions) supra-maximaux (105-110%) d’environ 3′, entrecoupés de récupérations actives d’une durée équivalente.
*méthode des efforts intermittents de durée moyenne : la logique de cette forme de travail reste proche de la précédente. La différence se situe dans l’intensité et la durée de l’effort produit. Plus bref (1′) mais plus intenses (115-120% VMA), cet effort va exiger une durée de récupération presque équivalente à celle des efforts longs (2’30). L’athlète devra être capable de renouveler un effort identique au moins 8 à 12 fois.
*méthode des efforts intermittents de courte durée : encore plus court (15″) et plus intense (jusqu’à 130%VMA), cet effort va exiger une durée de récupération allant de 1’30 à 2′. L’athlète sera capable d’enchaîner au moins 12 répétitions.
*méthode du court court : elle consiste en un enchaînement permanent d’efforts légèrement sur-critiques et de récupérations actives de durées identiques, type 10″ d’effort 10″ de récupération.
Exemple : 4 séries (10 répétitions de 10″ à %VMA – 10″ récupération). La 1ère série pourrait être travaillée à 100%VMA, la 2ème à 110%, la 3ème à 120% et la dernière à 130%.
B- Le développement de la capacité aérobie
Travaillée uniquement sous forme continue, on distingue 3 grandes catégories :
*les efforts continus d’intensité élevée : courir par exemple de 20 à 30′ aux alentours de 85% VMA. Une alternance (de 70 à 100%) dans l’intensité des efforts est aussi intéressante.
*les efforts continus d’intensité moyenne : d’une durée proche de 45′ (70-75%VMA) pouvant même dépasser l’heure.
*l’endurance fondamentale : l’activité est réalisée à une intensité proche de 50-60% de la VMA et est prolongée au-delà d’1 heure. Elle est réservée aux périodes de préparation physique généralisée, aux phases de récupération qui viennent s’intercaler entre les périodes d’entraînement intense, aux périodes de réadaptation suivant une blessure. Ce genre d’efforts sollicitent l’ensemble des secteurs de l’organisme (articulaire, ligamentaire, ostéo-tendineux) et les fortes dépenses énergétiques qu’ils provoquent, entraîne une perte de poids.
En conclusion, la maîtrise des processus énergétiques est essentielle. La base générale du développement des processus va s’organiser autour de 4 principes (à respecter) !!!
Principe 1 : l’efficacité d’un travail est maximale lorsqu’il s’effectue aux limites du système énergétique sollicité.
Principe 2 : la puissance et la capacité de chaque processus énergétique doivent être développées harmonieusement. Un déséquilibre entre ces 2 paramètres crée des problèmes de tous ordres (blessures, baisse de performance, fatigabilité).
Principe 3 : pour développer la puissance d’une filière énergétique, on recourt à des exercices d’intensité maximale, voire supra-maximale sur des durées d’application inférieures ou proches de la durée maximale de la filière énergétique considérée.
Principe 4 : pour développer la capacité d’une filière énergétique, on recourt à des exercices d’intensité inférieure à l’intensité maximale du processus. La durée des exercices doit être supérieure à la durée maximale du processus énergétique.
très intéressant comme article.
Merci bien. On va essayer encore de l’améliorer. CM
est ce qu on peut avoir un exemple pratique pour développer la puissance et l intensité de la voie anaérobie lactique d un judoka qui manque d explosivité c est dire de puissance au moment des attaques . merci
Bonjour!merci pour tout ce que vous transmetez pour nous.
Bonjour. Vous préconisez des récupérations courtes dans le travail de la puissance anaérobie lactique afin de permettre à l’athlète de supporter l’état d’acidose. Mais c’est l’objet du travail de la capacité anaérobie lactique, et cela se travaille évidemment avec des temps de récupération plutôt assez courts (mais supérieurs aux récupérations dans une séance de VMA) entre les répétitions.
Pouvez-vous confirmer ou m’expliquer pourquoi vous préférez travailler la PAL comme vous le faites ? Je suis très intrigué.
Merci,
Thiébault
Bonjour Thiébault,
Je ne préconise pas, je précise juste que pour travailler la PAL ou la CAL, il y a plusieurs moyens.
Par exemple pour la PAL, voici 2 situations :
– 2 séries de 3x150m avec pour consigne aux athlètes, courir chaque 150m en moins de 20″ – récupération proche de 5′ et 10′ entre les 2 séries.
– 3 séries de 120m+60m avec pour consignes aux athlètes, courir à fond – récupération 1′ entre les 2 courses et au moins 5′ entre les séries.
Pour ces 2 situations, je vise quoi ? Le 200 et/ou 400M
-les athlètes auront au préalable réalisé un gros travail foncier,
-ces situations seront proposées une première fois mi-novembre,
-ces situations sont proposés au moins 3x au cours de la saison, avec prise de chrono.,
-ces situations ne sont pas isolées, elles font partie d’un groupe de situations (5 maximum) que je propose au cours de la saison,
-ces situations sont réalisées en virage ; le 60m en ligne droite,
-les athlètes courent ensemble, jamais seul.
Justification situation 2 : oui pour habituer l’organisme à travailler en état d’acidose élevée. Mais aussi la nouveauté de la situation, créer de l’entrain ça passe par proposer aux athlètes de nouveaux exercices.
Pourquoi ces 2 distances (120 et 60m) ? Le 120 c’est proche du 100m et le 60m est une distance courue en salle. Cela me donne des repères, également aux athlètes.
Evolution de la situation 2 : courir avec un gilet lesté (4 à 6kg).
En résumé, il n’y a pas de recettes mais des principes de développement à respecter.
Avec l’expérience, j’ai pu isoler certaines situations qui m’ont donné satisfaction.
Mais attention, avoir des connaissances en physiologie c’est bien beau mais avant tout bien connaître ses athlètes !!!
A votre disposition.
CM
Un tout grand merci, Christophe, pour le temps pris à me répondre. Votre message est on ne peut plus clair, très détaillé. Merci pour tout ce partage.
Bonne continuation,
Thiébault