Comment programmer l’entraînement des minimes en athlétisme ?
Après 20 ans d’expérience sur les épreuves combinées, sprint et 1/2 fond, j’ai acquis quelques certitudes sur l’entraînement des minimes et la fonction de l’entraîneur. Je vous propose quelques pistes.
1- Profil d’un bon entraîneur
Il se construit par ses connaissances (ses lectures, ses recherches), son expérience (mise en pratique, partage) et son envie de transmettre (dynamisme, mobilité, créativité sur la piste). Maurice Houvion, entraîneur historique de Jean Galfione, disait : “entraîner c’est diffuser de l’entrain, toujours de l’entrain”. Nous devons l’avoir en permanence à l’esprit.
Combien de temps pour faire un bon entraîneur ? 20 ans comme un bon avocat ! Plus sérieusement, cela dépend du temps passé sur le terrain mais pas que … Le travail sur soi est également très important.
2- Mettre en avant les épreuves combinées pour l’entraînement des minimes
- notre job c’est de faire apprendre ce que les athlètes ne savent pas faire. Il ne faut pas l’oublier, c’est notre mission d’éducation. Entendre : “tel ou tel athlète ne fait pas de haies ou de hauteur parce qu’il n’y arrive pas”, je vous pose la question : à quoi sert-on ?
- donner aux athlètes un maximum de compétences pour qu’ils puissent choisir plus tard leur discipline ou continuer les épreuves combinées. Les mettre en réussite, c’est les mettre en confiance et donner du sens à leur apprentissage,
- expliquez-moi comment vous planifiez votre saison sans mettre les épreuves combinées au centre de vos objectifs ? Je suis preneur mais vous aurez du mal à me convaincre !
- que faire avec les athlètes n’ayant pas le niveau ? Surtout ne pas les spécialiser. A terme, c’est ingérable. Il faut les garder dans le groupe, le déclic peut venir plus tard. Concrètement, les faire passer l’intervalle haies en 5 ou 6 appuis. Les faire lancer le poids sans élan ou en pas chassé. Les faire sauter sur élan réduit en longueur (10 à 12 foulées max..). Leur faire faire moins de compétitions … Tout cela demande une organisation, une ADAPTATION de l’entraîneur,
- pas de spécialisation précoce ! Vous spécialisez un minime en sprint : dîtes moi ce qu’il va faire jusqu’en senior ? Que du sprint ? LAMENTABLE !!!!
- un club ayant des athlètes formés aux épreuves combinées, cela offre davantage de solutions pour les interclubs.
3- Une bonne séance, c’est quoi ?
Une séance fait 2h en moyenne et il ne faut pas traîner ! Présenter les grands axes de la séance lors des étirements, les consignes doivent être simples et rapides.
L’échauffement dure 35′, j’y intègre les étirements et gammes (les montées de genoux, les talons fesses, ce ne sont pas des gammes !). Soyons créatifs sur l’échauffement !!! 2 à 3 tours de piste, c’est pour les entraîneurs fainéants ! Ca n’échauffe pas et puis c’est ennuyeux. Observer et profiter de l’ensemble des ressources que peut offrir votre stade : tribune, petit parc … Imaginer un échauffement en y intégrant des obstacles à franchir, des zones d’accélération … Il faut penser créativité et variété pour l’entraînement des minimes. Et si vous prolongez ce footing sur 25 à 30′, vous tenez là une bonne séance d’endurance !
Sommes-nous obligés de toujours commencer l’échauffement par un footing ? Non, et c’est là que vous gagnerez du temps. Sortez des haies, des plots et proposer des parcours (travail de pied, coordination).
Au cours d’une même séance, s’il n’y a pas 2 disciplines enseignées, vous ne pouvez pas présenter des athlètes compétitifs en épreuves combinées ! C’est une certitude.
4- Quelles disciplines privilégier pour l’entraînement des minimes ?
Il faut trouver un équilibre et c’est par un travail de programmation que vous trouverez l’harmonie entre les disciplines.
Les haies, la perche, le disque, la hauteur sont des disciplines incontournables car elles posent davantage de problème moteur. Vous n’avez pas besoin de tapis de perche pour faire une séance de qualité. Idem pour la longueur, vous pouvez travailler hors du sautoir.
Le 1/2 fond pour la santé, il ne faut pas négliger cette discipline. A cet égard, si vous ne faîtes pas travailler vos athlètes à VMA, aucune chance qu’ils soient compétitifs en cross country, à moins d’être bien équipés dès leur naissance.
On apprend quoi en faisant du sprint ? A avoir une belle foulée et poser le pied correctement. Il faut en faire mais dédier régulièrement une séance au sprint, quid des autres disciplines ?
Tout le travail de pied et de foulée, il faut le présenter pendant ou après l’échauffement. Avec 15 à 20 plots espacés de 5 à 7 pieds ou à partir de haies basses, vous travaillez le cycle avant, le placement, le gainage. Ca prend 15’. Une fois par semaine, c’est suffisant. Pour le sprint “long”, finissez parfois vos séances avec 3x120m..
Le départ en start : pourquoi toujours sortir les starts ? Il existe une pléiade d’exercices dédiés au départ sans start ? Programmer une séance start la semaine précédant une compétition. 3 séances suffisent entre 2 périodes de vacances scolaires !
Le relais. Comment dire ? Vous n’entraînez pas des poussins ! Une à 2 séances de relais suffit juste avant une compétition ou les vacances scolaires.
Le triple saut à l‘entraînement des minimes : à bannir, vous allez les massacrer ! Ok pour l’apprentissage du cloche pied et des foulées bondissantes.
Oublier l’apprentissage des mouvements de musculation, il y a tant de choses à faire apprendre.
5- Comment programmer vos séances ?
D’abord se poser la bonne question : quel(s) sont les objectifs de la saison ?
Vous pouvez avoir sans problème des athlètes compétitifs en cross et en épreuves combinées ! C’est encore une certitude.
Remarques :
- pourquoi faire 5 séances de javelot en septembre/octobre alors qu’on lance en salle en hiver ? C’est du temps de perdu ! Ne me parler pas de l’Equip’ Athlé d’automne. Vous préférez gagner 2m en javelot ou gagner 5 séances qui seraient consacrées à 1 ou 2 autres disciplines ?
- Si vous faites une séance de haies le mercredi et que pendant 2 semaines vous ne faites plus de haies, la séance de mercredi n’aura servi à rien ! L’athlétisme est un sport de répétition et d’extrême précision, l’entraîneur travaille dans l’urgence. Il faut donc être organisé et s’appuyer sur une programmation solide. Sans planification des activités, les athlètes ne peuvent pas être compétitifs !
Comment procéder ? Très simple, choisir 4 voire 5 activités entre 2 périodes de vacances scolaires. Par exemple de Septembre à Toussaint (haies, hauteur, poids, demi-fond), de Toussaint à Noel (haies, demi-fond, longueur, poids) …
Pourquoi hauteur si tôt ? Parce qu’il fait beau et jour. Je n’ai pas mis longueur sur la première période mais cela ne m’empêche pas de faire apprendre les foulées bondissantes aux athlètes juste après l’échauffement … Vous l’avez compris : il faut gagner du temps.
6- Comment programmer les disciplines entre elles ?
J’ai toujours travaillé par blocs de 2 ou 3 de la même discipline. Exemple sur 7 semaines, période Toussaint/Noel, pour des athlètes présents 2 fois par semaine :
- semaine 1 : mercredi (demi-fond/poids), vendredi (demi-fond/longueur),
- semaine 2 : mercredi (demi-fond/longueur) vendredi suivant (haies/poids),
- semaine 3 : mercredi (haies/poids), vendredi (demi-fond/longueur),
- semaine 4 : mercredi (demi-fond/longueur), vendredi (haies/poids),
- semaine 5 : mercredi (haies/poids), vendredi (haies/longueur),
- semaine 6 : mercredi (demi-fond/poids), vendredi (demi-fond/ longueur),
- semaine 7 : mercredi (demi-fond/poids), vendredi (relais ou perche).
Quelques remarques :
- Il y a un suivi et une cohérence entre les séances. Vous allez donner du SENS au travail des athlètes,
- Par contre, cela peut paraître rébarbatif : c’est ici qu’il faut faire preuve de créativité. Certes la répétition est incontournable, mais rentrer dans l’activité par le défi, la nouveauté, la compétition, le jeu est aussi important. A vous d’imaginer … mais sans sortir de la logique interne de l’activité,
- Chacune de mes séances d’endurance ne dépassait pas 30’ et toujours proposer en début de séance ou juste après des gammes ou exercices de coordination,
- Je le répète, le travail à VMA est incontournable ! Et plus vous vous approchez de l’objectif, plus votre travail sera axé sur la puissance aérobie,
- Lorsque vous avez une dizaine d’athlètes en poids, à vous de trouver la bonne organisation pédagogique. Les faire lancer un par un ? A oublier, il n’y aura pas assez de répétitions. Le travail avec le poids ou MedecineBall peut se faire par vague de 2. Si 10 athlètes présents, 5 lancent, 5 observent. Aménagez une aire de lancer et séparer les athlètes par des plots,
- Idem pour la longueur : vous pouvez faire 2 groupes qui pratiquent sur 2 ateliers. Un groupe sur le sautoir qui travaille le ramené et l’autre groupe en dehors, qui travaille les impulsions (HOP2, HOP3, foulées bondissantes …). A vous de bien vous placer pour les observer tous et les corriger individuellement,
- Pour les haies : cette discipline est une course de vitesse ! Il ne faut pas l’oublier. Faire des gammes en marchant ou des mimes pendant 30’, ce n’est pas faire des haies car vous n’y intégrer pas l’élément essentiel : la vitesse. Et ce sera une séance de perdu !
En résumé
Vous encadrez un groupe de minime, il faut donc proposer des entraînements de minime ! Les consignes trop techniques, il faut les garder pour plus tard !
Il faut les bouger les minimes, les mettre en action et aussi en compétition à l’entraînement (défi, prise de chrono …). Privilégiez les disciplines techniques. Il faut faire apprendre !!!
Vous idem, soyez DYNAMIQUE, formez-vous en lisant, en questionnant et il faut aussi que vous rentriez dans la COMPETITION !!!! Je connais de près ou de loin 80% des entraîneurs d’IDF : 50% sont des tueurs. Et étonnamment, on retrouve bien souvent leurs athlètes en haut des bilans. Etre un tueur = travail, passion, méthode et engagement sans faille auprès de ses athlètes et de son club !
Le travail de formation commence en benjamin et doit se poursuivre en Minime !!!! Et l’athlétisme ne finit pas en minime, il commence en cadet. A méditer 🙂

De gauche à droite : Anis, Loïc, Anis, Nicolas, Benoit, Davon et Arthur
bonjour
j’aimerai bien avoir plus d’information sur le programe d’entrainement pour les benjamins filles et garçons ou bien de la documentations en athlétisme merci de votre comprehension
Bonjour, pour cette catégorie, il faut penser multidisciplinarité et donc épreuves combinées. Pas de spécialisation précoce. Il faut poser des problèmes moteurs à ces jeunes. L’apprentissage doit être au coeur de vos préoccupations. Les haies, le saut à la perche, le lancer de disque, le saut en hauteur, il faut en faire régulièrement !
“L’éducation athlétique” de Jacques Piasenta, est l’ouvrage référence. A lire et relire !
Amitiés sportives